"C'est mon moyen de créer un autre monde"

Joelle Jabbour, Hot ice cream, (à gauche) et Adrienne Hurtut (à droite) durant l'événement pour leur collaboration en août 2025. ©Nadia_Vossen
Joelle Jabbour, Hot ice cream, (à gauche) et Adrienne Hurtut (à droite) durant l'événement pour leur collaboration en août 2025. ©Nadia_Vossen

Joelle Jabbour, plus connue sous le nom de Hot ice cream, présente en ce moment sa première exposition solo, AutoCAT, dans le café/bar Tota à Mar Mikhael. Cette illustratrice, dont vous pouvez reconnaître la patte par la présence de félins et une palette de couleurs vives, se fait une place dans le milieu artistique Beyrouthin.

Son parcours commence légèrement éloigné du monde artistique, ses études d'architecture la mènent jusqu'à Milan où elle fera un master. Un milieu dans lequel Joëlle travaille quelque temps. Le dessin, qu'elle pratique depuis l'enfance, n'est pas une vocation, "C'est mon moyen de créer un autre monde et d'exprimer sa sensibilité, je ne pensais pas en faire mon métier." souligne-t-elle. À son retour à Beyrouth en 2020, la pandémie mondiale et l'enfermement que celle-ci provoque pousse l'artiste à reprendre le dessin pour le plaisir.

AutoCAD, logiciel utilisé par les architectes pour leurs plans, permet à Joelle de réaliser ses premières œuvres."C'est le seul logiciel que je connaissais, alors quand j'ai vu qu'un groupe de musique voulait une affiche je l'ai faite dessus" confie l'artiste. C'est ce qui a marqué le début de l'aventure et le visuel a convaincu d'autres personnes à faire appel à ses services, dans un premier temps pour un prix dérisoire.

"C'est mon moyen de créer un autre monde et d'exprimer sa sensibilité, je ne pensais pas en faire mon métier."

Au fur et à mesure de sa pratique, elle développe son style, inspiré par la géométrie sacrée et l'architecture antique, qui lui permettent d'être remarquée par une galeriste. Commencent alors ses premières expositions collectives, de Beyrouth à Abu Dhabi. En parallèle, les commandes pour des illustrations pour différents types de projets continuent. Des bars aux associations, en passant par les événements ponctuels, les demandes augmentent. Pour autant, il ne lui est pas encore possible d'en vivre. "Si je pouvais en vivre cela serait génial mais cela n'est pas encore faisable. Malgré tout, il y a une solidarité énorme entre illustrateur·ices au Liban qui permet de se soutenir les un·es les autres. Ce mouvement permet une valorisation et une mise en avant de notre travail."

Une réalité pas toujours bien accueillie par la société et par son entourage. Joëlle explique "C'est difficilement entendable pour des parents de voir son enfant vouloir se lancer dans une carrière artistique. C'est une filière instable et pas toujours valorisée au niveau de la société libanaise. Il existe beaucoup d’a priori sur l'art surtout dans une période comme celle-ci." se désole-t-elle. Alors que le dessin, et l'art de manière plus générale, est un moyen d’expression face aux difficultés de la vie, pour Joëlle "La sensibilité des artistes les rend plus réceptifs au monde qui les entoure". Depuis 2019, le pays a connu une révolution, une pandémie mondiale, une double explosion, une crise économique et pour couronner le tout une guerre. Un contexte qui n'est pas propice pour la valorisation de l'art par la société alors que c'est dans des périodes comme celles-ci que les besoins d'expression sont les plus élevés. Les traumatismes générés par la guerre sont un bagage émotionnel que la population doit porter au quotidien qui s'ajoute aux difficultés du marché de l'emploi au niveau artistique et culturel qui est au ralenti.

Hot ice cream décide alors de changer de trajectoire et de s'orienter vers un travail davantage artistique pour lui permettre de se rapprocher de son art, le design graphique. "J'apprends plein de nouvelles techniques et de nouveaux logiciels qui vont me permettre de créer plus" explique-t-elle avec enthousiasme. Elle continue ses créations durant son temps libre.

Pour sa première exposition seule, elle décide de regrouper ce qui la passionne, les chats et autres félins en tout genre, des couleurs vibrantes ainsi que des compositions géométriques. "AutoCAT", inspiré du logiciel qu'elle utilise, regroupe des œuvres qui font partie de son monde imagé. Première présentation personnelle de son travail, dans un lieu bienveillant, entourée du soutien collectif d'autres illustrateur·ices.

L'exposition AutoCAT a retrouvé chez Tota jusqu'au 4 novembre 2025.

Voir cette publication sur Instagram

Tota · Beirut, Libanon
★★★★☆ · Café
window.addEventListener('DOMContentLoaded', function () { document.body.addEventListener('contextmenu', function (e) { if (e.target.tagName.toLowerCase() === 'img') { e.preventDefault(); } }); });